XIX
Les rendez-vous
Voulant à tout prix avertir Mme d’Harville du danger qu’elle courait, Rodolphe, parti de l’ambassade sans attendre la fin de l’entretien de Tom et de Sarah, ignorait le complot tramé par eux contre Fleur-de-Marie et le péril imminent qui menaçait cette jeune fille.
Malgré son zèle, Rodolphe ne put malheureusement sauver la marquise, comme il l’espérait.
Celle-ci, en sortant de l’ambassade, devait par convenance paraître un moment chez Mme de Nerval ; mais, vaincue par les émotions qui l’agitaient, Mme d’Harville n’eut pas le courage d’aller à cette seconde fête et rentra chez elle.
Ce contretemps perdit tout.
M. de Graün, ainsi que presque toutes les personnes de la société de la comtesse ***, était invité chez Mme de Nerval. Rodolphe l’y conduisit rapidement, avec ordre de chercher Mme d’Harville dans le bal, et de la prévenir que le prince, désirant lui dire le soir même quelques mots du plus grand intérêt, se trouverait à pied devant l’hôtel d’Harville, et qu’il s’approcherait de la voiture de la marquise pour lui parler à sa portière pendant que ses gens attendraient l’ouverture de la porte cochère.
Après beaucoup de temps perdu à chercher Mme d’Harville dans ce bal, le baron revint… Elle n’y avait pas paru.
Rodolphe fut au désespoir ; il avait sagement pensé qu’il fallait avant tout avertir la marquise de la trahison dont on voulait la rendre victime ; car alors la délation de Sarah, qu’il ne pouvait empêcher, passerait pour une indigne calomnie. Il était trop tard… Cette lettre infâme était parvenue au marquis à une heure après minuit.
Le lendemain matin, M. d’Harville se promenait lentement dans sa chambre à coucher, meublée avec une élégante simplicité et seulement ornée d’une panoplie d’armes modernes et d’une étagère garnie de livres.
Le lit n’avait pas été défait, pourtant la courtepointe de soie pendait en lambeaux ; une chaise et une petite table d’ébène à pieds tors étaient renversées près de la cheminée ; ailleurs on voyait sur le tapis les débris d’un verre de cristal, des bougies à demi écrasées et un flambeau à deux branches qui avait roulé au loin.
Ce désordre semblait causé par une lutte violente.
M. d’Harville avait trente ans environ, une figure mâle et caractérisée, d’une expression ordinairement agréable et douce, mais alors contractée, pâle, violacée ; il portait ses habits de la veille ; son cou était nu, son gilet ouvert ; sa chemise déchirée paraissait tachée çà et là de quelques gouttes de sang ; ses cheveux bruns, ordinairement bouclés, retombaient roides et emmêlés sur son front livide.
Après avoir encore longtemps marché, les bras croisés, la tête basse, le regard fixe et rouge, M. d’Harville s’arrêta brusquement devant son foyer éteint, malgré la forte gelée survenue pendant la nuit. Il prit sur le marbre de la cheminée cette lettre, qu’il relut, avec une dévorante attention, à la clarté blafarde de ce jour d’hiver :
« Demain à une heure, votre femme doit se rendre rue du Temple, n° 17, pour une amoureuse entrevue. Suivez-la, et vous saurez tout… Heureux époux ! »
À mesure qu’il lisait ces mots, déjà tant de fois lus pourtant… ses lèvres, bleuies par le froid, semblaient convulsivement épeler lettre par lettre ce funeste billet.
À ce moment la porte s’ouvrit, un valet de chambre entra.
Ce serviteur, déjà vieux, avait les cheveux gris, une figure honnête et bonne.
Le marquis retourna brusquement la tête sans changer de position, tenant toujours la lettre entre ses deux mains.
– Que veux-tu ? dit-il durement au domestique.
Celui-ci, au lieu de répondre, contemplait d’un air de stupeur douloureuse le désordre de la chambre ; puis, regardant attentivement son maître, il s’écria :
– Du sang à votre chemise… Mon Dieu ! mon Dieu ! monsieur, vous vous serez blessé ! Vous étiez seul, pourquoi ne m’avez-vous pas sonné comme à l’ordinaire, lorsque vous avez ressenti les… ?
– Va-t’en !
– Mais, monsieur le marquis, vous n’y pensez pas, votre feu est éteint, il fait ici un froid mortel, et surtout après votre…
– Te tairas-tu ? Laisse-moi !
– Mais, monsieur le marquis, reprit le valet de chambre tout tremblant, vous avez donné ordre à M. Doublet d’être ici ce matin à dix heures et demie ; il est dix heures et demie, et il est là avec le notaire.
– C’est juste, dit amèrement le marquis en reprenant son sang-froid. Quand on est riche, il faut songer aux affaires. C’est si beau, la fortune.
Puis il ajouta :
– Fais entrer M. Doublet dans mon cabinet.
– Il y est, monsieur le marquis.
– Donne-moi de quoi m’habiller. Tout à l’heure je sortirai.
– Mais, monsieur le marquis…
– Fais ce que je te dis, Joseph, dit M. d’Harville d’un ton plus doux.
Puis il ajouta :
– Est-on déjà entré chez ma femme ?
– Je ne crois pas que Mme la marquise ait encore sonné.
– On me préviendra dès qu’elle sonnera.
– Oui, monsieur le marquis.
– Dis à Philippe de venir t’aider : tu n’en finiras pas !
– Mais, monsieur, attendez que j’aie un peu rangé ici, répondit tristement Joseph. On s’apercevrait de ce désordre, et l’on ne comprendrait pas ce qui a pu arriver cette nuit à monsieur le marquis.
– Et si l’on comprenait… ce serait bien hideux, n’est-ce pas ? reprit M. d’Harville d’un ton de raillerie douloureuse.
– Ah ! monsieur, s’écria Joseph, Dieu merci, personne ne se doute…
– Personne ?… Non, personne ! répondit le marquis d’un air sombre.
Pendant que Joseph s’occupait de réparer le désordre de la chambre de son maître, celui-ci alla droit à la panoplie dont nous avons parlé, examina attentivement pendant quelques minutes les armes qui la composaient, fit un geste de satisfaction sinistre et dit à Joseph :
– Je suis sûr que tu as oublié de faire nettoyer mes fusils qui sont là-haut dans mon nécessaire de chasse ?
– Monsieur le marquis ne m’en a pas parlé…, dit Joseph d’un air étonné.
– Si, mais tu l’as oublié.
– Je proteste à monsieur le marquis…
– Ils doivent être dans un bel état !
– Il y a un mois à peine qu’on les a rapportés de chez l’armurier.
– Il n’importe ; dès que je serai habillé, va me chercher ce nécessaire, j’irai peut-être à la chasse demain ou après, je veux examiner ces fusils.
– Je les descendrai tout à l’heure.
La chambre remise en ordre, un second valet de chambre vint aider Joseph.
La toilette terminée, le marquis entra dans le cabinet où l’attendaient M. Doublet, son intendant, et un clerc de notaire.
– C’est l’acte que l’on vient lire à M. le marquis, dit l’intendant ; il ne reste plus qu’à le signer.
– Vous l’avez lu, monsieur Doublet ?
– Oui, monsieur le marquis.
– En ce cas, cela suffit… je signe.
Il signa, le clerc sortit.
– Moyennant cette acquisition, monsieur le marquis, dit M. Doublet d’un air triomphant, votre revenu financier, en belles et bonnes terres, ne va pas à moins de cent vingt-six mille francs en sacs. Savez-vous que cela est rare, monsieur le marquis, un revenu de cent vingt-six mille francs en terres ?
– Je suis un homme bien heureux, n’est-ce pas, monsieur Doublet ? Cent vingt-six mille francs de rente en terres ! Il n’y a pas de félicité pareille !
– Sans compter le portefeuille de monsieur le marquis… sans compter…
– Certainement, et sans compter… tant d’autres bonheurs encore !
– Dieu soit loué ! monsieur le marquis, car il ne vous manque rien : jeunesse, richesse, bonté, santé… tous les bonheurs réunis, enfin ; et parmi eux, dit M. Doublet en souriant agréablement, ou plutôt à leur tête, je mets celui d’être l’époux de Mme la marquise et d’avoir une charmante petite fille qui ressemble à un chérubin.
M. d’Harville jeta un regard sinistre sur l’intendant.
Nous renonçons à peindre l’expression de sauvage ironie avec laquelle il dit à M. Doublet, en lui frappant familièrement sur l’épaule :
– Avec cent vingt-six mille francs de rente en terres et une femme comme la mienne… et un enfant qui ressemble à un chérubin… il ne reste plus rien à désirer, n’est-ce pas ?
– Eh ! eh ! monsieur le marquis, répondit naïvement l’intendant, il reste à désirer de vivre le plus longtemps possible, pour marier mademoiselle votre fille et être grand-père. Arriver à être grand-père, c’est ce que je souhaite à monsieur le marquis, comme à Mme la marquise d’être grand’mère et arrière-grand’mère.
– Ce bon M. Doublet qui songe à Philémon et Baucis. Il est toujours plein d’à-propos.
– Monsieur le marquis est trop bon. Il n’a rien à m’ordonner ?
– Rien. Ah ! si, pourtant. Combien avez-vous en caisse ?
– Dix-neuf mille trois cents et quelques francs pour le courant, monsieur le marquis, sans compter l’argent déposé à la banque.
– Vous m’apporterez ce matin dix mille francs en or et vous les remettrez à Joseph si je suis sorti.
– Ce matin ?
– Ce matin.
– Dans une heure les fonds seront ici. Monsieur le marquis n’a plus rien à me dire ?
– Non, monsieur Doublet.
– Cent vingt-six mille francs de rente en sacs, en sacs ! répéta l’intendant en s’en allant. C’est un beau jour pour moi que celui-ci ; je craignais tant que cette ferme si à notre convenance ne nous échappât !… Votre serviteur, monsieur le marquis.
– Au revoir, monsieur Doublet.
À peine l’intendant fut-il sorti que M. d’Harville tomba sur un fauteuil avec accablement ; il appuya ses deux coudes sur son bureau, et cacha sa figure dans ses mains.
Pour la première fois depuis qu’il avait reçu la lettre fatale de Sarah, il put pleurer.
– Oh ! disait-il, cruelle dérision de la destinée qui m’a fait riche !… Que mettre dans ce cadre d’or, maintenant ? Ma honte ! L’infamie de Clémence !… infamie qu’un éclat va faire rejaillir peut-être jusque sur le front de ma fille ! Cet éclat… dois-je m’y résoudre, ou dois-je avoir pitié de…
Puis, se levant, l’œil étincelant, les dents convulsivement serrées, il s’écria d’une voix sourde :
– Non, non ! du sang, du sang ! Le terrible sauve du ridicule ! Je comprends maintenant son aversion… la misérable !
Puis, s’arrêtant tout à coup, comme atterré par une réflexion soudaine, il reprit d’une voix sourde :
– Son aversion… oh ! je sais bien ce qui la cause : je lui fais horreur, je l’épouvante !
Et après un long silence :
– Mais est-ce ma faute, à moi ? Faut-il qu’elle me trompe pour cela ? Au lieu de haine, n’est-ce pas la pitié que je mérite ? reprit-il en s’animant par degrés. Non, non, du sang !… tous deux, tous deux !… car elle lui a sans doute tout dit à L’AUTRE.
Cette pensée redoubla la fureur du marquis.
Il leva ses deux poings crispés vers le ciel ; puis, passant sa main brûlante sur ses yeux, et sentant la nécessité de rester calme devant ses gens, il rentra dans sa chambre à coucher avec une apparente tranquillité : il y trouva Joseph.
– Eh bien ! les fusils ?
– Les voilà, monsieur le marquis ; ils sont en parfait état.
– Je vais m’en assurer. Ma femme a-t-elle sonné ?
– Je ne sais pas, monsieur le marquis.
– Va t’en informer.
Le valet de chambre sortit.
M. d’Harville se hâta de prendre dans la boîte à fusils une petite poire à poudre, quelques balles, des capsules ; puis il referma le nécessaire et garda la clef. Il alla ensuite à la panoplie, y prit une paire de pistolets de Manton de demi-grandeur, les chargea et les fit facilement entrer dans les poches de sa longue redingote de matin.
À ce moment Joseph rentra.
– Monsieur, on peut entrer chez Mme la marquise.
– Est-ce que Mme d’Harville a demandé sa voiture ?
– Non, monsieur le marquis ; Mlle Juliette a dit devant moi au cocher de Mme la marquise qui venait demander les ordres pour la matinée que comme il faisait froid et sec, madame sortait à pied… si elle sortait.
– Très-bien. Ah ! j’oubliais : si je vais à la chasse, ce sera demain ou après. Dis à Williams de visiter le petit briska vert ce matin même ; tu m’entends ?
– Oui, monsieur le marquis. Vous ne voulez pas votre canne ?
– Non. N’y a-t-il pas une place de fiacres ici près ?
– Tout près, au coin de la rue de Lille.
Après un moment d’hésitation et de silence, le marquis reprit :
– Va demander à Mlle Juliette si Mme d’Harville est visible.
Joseph sortit.
– Allons… c’est un spectacle comme un autre. Oui, je veux aller chez elle et observer le masque doucereux et perfide sous lequel cette infâme rêve sans doute l’adultère de tout à l’heure ; j’écouterai sa bouche mentir pendant que je lirai le crime dans son cœur déjà vicié. Oui, cela est curieux… voir comment vous regarde, vous parle et vous répond une femme qui, l’instant d’après, va souiller votre nom d’une de ces taches ridicules et horribles qu’on ne lave qu’avec des flots de sang. Fou que je suis ! Elle me regardera, comme toujours, le sourire aux lèvres, la candeur au front ! Elle me regardera comme elle regarde sa fille en la baisant au front et en lui faisant prier Dieu. Le regard… le miroir de l’âme (et il haussa les épaules avec mépris) ! plus il est doux et pudique, plus il est faux et corrompu ! Elle le prouve… et j’y ai été pris comme un sot. Ô rage ! Avec quel froid et insolent mépris elle devait me contempler à travers ce miroir imposteur, lorsqu’au moment peut-être où elle allait trouver l’autre… je la comblais de preuves d’estime et de tendresse… je lui parlais comme à une jeune mère chaste et sérieuse, en qui j’avais mis l’espoir de toute ma vie. Non ! non ! s’écria M. d’Harville en sentant sa fureur s’augmenter, non ! je ne la verrai pas, je ne veux pas la voir… ni ma fille non plus… je me trahirais, je compromettrais ma vengeance.
En sortant de chez lui, au lieu d’entrer chez Mme d’Harville, il dit seulement à la femme de chambre de la marquise :
– Vous direz à Mme d’Harville que je désirais lui parler ce matin, mais que je suis obligé de sortir pour un moment ; si par hasard il lui convenait de déjeuner avec moi, je serai rentré vers midi ; sinon qu’elle ne s’occupe pas de moi.
« Pensant que je vais rentrer, elle se croira beaucoup plus libre », se dit M. d’Harville. Et il se rendit à la place de fiacres voisine de sa maison.
– Cocher, à l’heure !
– Oui, bourgeois, il est onze heures et demie. Où allons-nous ?
– Rue de Belle-Chasse, au coin de la rue Saint-Dominique, le long du mur d’un jardin qui se trouve là… tu attendras.
– Oui, bourgeois.
M. d’Harville baissa les stores. Le fiacre partit et arriva bientôt presque en face de la maison du marquis. De cet endroit, personne ne pouvait sortir de chez lui sans qu’il le vît.
Le rendez-vous accordé par sa femme était pour une heure ; l’œil ardemment fixé sur la porte de sa demeure, il attendit.
Sa pensée était entraînée par un torrent de colères si effrayantes et si vertigineuses que le temps lui semblait passer avec une incroyable rapidité.
Midi sonnait à Saint-Thomas-d’Aquin, lorsque la porte de l’hôtel d’Harville s’ouvrit lentement, et la marquise sortit.
– Déjà !… Ah ! quelle attention ! Elle craint de faire attendre l’autre !… se dit le marquis avec une ironie farouche.
Le froid était vif, le pavé sec.
Clémence portait un chapeau noir recouvert d’un voile de blonde de la même couleur, et une douillette de soie raisin de Corinthe ; son immense châle de cachemire bleu foncé retombait jusqu’au volant de sa robe, qu’elle releva légèrement et gracieusement pour traverser la rue.
Grâce à ce mouvement, on vit jusqu’à la cheville son petit pied étroit et cambré, merveilleusement chaussé d’une bottine de satin turc.
Chose étrange, malgré les terribles idées qui le bouleversaient, M. d’Harville remarqua dans ce moment le pied de sa femme, qui ne lui avait jamais paru plus coquet et plus joli. Cette vue exaspéra sa fureur ; il sentit jusqu’au vif les morsures aiguës de la jalousie sensuelle… il vit l’autre à genoux, portant avec ivresse ce pied charmant à ses lèvres. En une seconde, toutes les ardentes folies de l’amour, de l’amour passionné, se peignirent à sa pensée en traits de flamme.
Et alors, pour la première fois de sa vie, il ressentit au cœur une affreuse douleur physique, un élancement profond, incisif, pénétrant, qui lui arracha un cri sourd. Jusqu’alors son âme seule avait souffert, parce que jusqu’alors il n’avait songé qu’à la sainteté des devoirs outragés.
Son impression fut si cruelle qu’il put à peine dissimuler l’altération de sa voix pour parler au cocher, en soulevant à demi le store.
– Tu vois bien cette dame en châle bleu et en chapeau noir, qui marche le long du mur ?
– Oui, bourgeois.
– Marche au pas, et suis-la… Si elle va à la place des fiacres où je t’ai pris, arrête-toi, et suis la voiture où elle montera.
– Oui, bourgeois… Tiens, tiens, c’est amusant !
Mme d’Harville se rendit en effet à la place des fiacres et monta dans une de ces voitures.
Le cocher de M. d’Harville la suivit.
Les deux fiacres partirent.
Au bout de quelque temps, au grand étonnement du marquis, son cocher prit le chemin de l’église de Saint-Thomas-d’Aquin, et bientôt il s’arrêta.
– Eh bien ! que fais-tu ?
– Bourgeois, la dame vient de descendre à l’église… Sapristi !… jolie petite jambe tout de même… C’est très-amusant.
Mille pensées diverses agitèrent M. d’Harville ; il crut d’abord que sa femme, remarquant qu’on la suivait, voulait dérouter les poursuites. Puis il songea que peut-être la lettre qu’il avait reçue était une calomnie indigne… Si Clémence était coupable, à quoi bon cette fausse apparence de piété ? N’était-ce pas une dérision sacrilège ?
Un moment M. d’Harville eut une lueur d’espoir, tant il y avait de contraste entre cette apparente piété et la démarche dont il accusait sa femme.
Cette consolante illusion ne dura pas longtemps.
Son cocher se pencha et lui dit :
– Bourgeois, la petite dame remonte en voiture.
– Suis-la…
– Oui, bourgeois ! Très-amusant ! très-amusant !…
Le fiacre gagna les quais, l’Hôtel-de-Ville, la rue Sainte-Avoye, et enfin la rue du Temple.
– Bourgeois, dit le cocher en se retournant vers M. d’Harville, le camarade vient d’arrêter au n° 17, nous sommes au 13, faut-il arrêter aussi ?
– Oui !…
– Bourgeois, la petite dame vient d’entrer dans l’allée du n° 17.
– Ouvre-moi.
– Oui, bourgeois…
Quelques secondes après, M. d’Harville entrait dans l’allée sur les pas de sa femme.